Editorial

Un nouvel envol pour Martinia

Martin Jeanmougin keyboard_arrow_down
Référence bibliographique : Jeanmougin, M. (2021). Un nouvel envol pour Martinia. Martinia, 35 (1) : 1-4
Revue Martinia -

De l’œuf à l’imago, le développement de nos chers Odonates est un parcours semé d’embûches. Pour une même espèce, ce parcours peut être tantôt raccourci, tantôt allongé en fonction de nombreux facteurs environnementaux comme la température ou les ressources disponibles. Pourquoi vous conter ces choses que vous savez, vous, odonatologues passionnés, lecteurs de ces lignes ? Parce que si vous êtes lecteur de ces lignes, peut-être vous êtes-vous demandé ces deux dernières années « Mais où est donc passé Martinia dans le paysage odonatologique français ? ». Martinia, comme nos libellules, était en développement et préparait en fait sa mue, l’une de ses mues du moins, pour laquelle quelques facteurs (environnementaux) ont ralenti son développement. Pour rester dans l’analogie, on pourrait dire qu’une petite fraicheur associative ainsi qu’un manque de ressources (bénévoles) en sont les principales causes. Mais rien n’avait disparu de sa détermination à émerger et le temps a fait son effet. Les lignes de cet éditorial que vous lisez maintenant marquent finalement l’émergence et le nouvel envol de cette publication que vous connaissez et que vous appréciez. Et quoi de plus heureux pour un naturaliste que de voir enfin l’émergence de l’espèce tant recherchée sur son site de prédilection !

Un bref historique de cette émergence

Martinia est depuis son origine la revue scientifique de référence de l’odonatologie en France. Sa création remonte à 1985 grâce au dynamisme et à l’action de Jean-Louis Dommanget, fondateur également de la Société française d’Odonatologie (SfO). Pendant 25 ans, son travail méticuleux au poste de rédacteur en chef de la revue a accompagné, en particulier via les publications qu’elle proposait, la montée en puissance de l’odonatologie au sein du paysage naturaliste et scientifique français. Martinia n’a ainsi cessé d’être un support important aux actions de conservation ainsi qu’un relai pour des préoccupations et découvertes scientifiques des acteurs de terrain. En 2010, le premier plan national d’action en faveur des odonates était publié et s’appuyait largement sur la littérature issue de Martinia. L’année 2010 est aussi celle du dernier changement en date qui s’est opéré au sein de la revue avec l’arrivée de Philippe Lambret en tant que rédacteur en chef. Son investissement à ce poste, son abnégation, son acharnement parfois, ont permis à Martinia d’être pérennisée, de gagner en lectorat et de perdurer jusqu’à aujourd’hui. Difficile ici de résumer en quelques lignes ce travail de rédacteur en chef qui a permis à de nombreux auteurs et lecteurs de partager leur passion scientifique pour l’odonatologie. Des dizaines d’articles qui sont passés entre les mains de Jean-Louis ou de Philippe, peu n’ont pas eu à profiter de leurs commentaires et propositions d’améliorations. Évidemment, il ne faut pas oublier à ce compte aussi le travail exceptionnel de tous les membres du comité de lecture, indispensables rouages de l’édition scientifique. Beaucoup des auteurs s’ajouteront donc à ces remerciements pour ces 35 années de service qu’ils ont tous passés au sein de l’aventure Martinia. Aujourd’hui, Philippe Lambret passe le flambeau à une nouvelle équipe et le projet Martinia évolue. Lors de la dissolution de la SfO (cette « fraicheur associative » citée plus haut), principalement due au manque de disponibilité bénévole au niveau national, une réflexion des membres du CA de la SfO sur une redéfinition et un nouveau portage du projet Martinia s’était alors mise en place. En ce début de XXIe siècle, c’est un projet entièrement numérique qui avait remporté l’adhésion de tous. Ce projet fut repris par les membres fondateurs du groupe Opie-odonates, groupe qui fait suite au transfert des actifs de la SfO vers l’Office pour les insectes et leur environnement (Opie). Ce projet de renouveau pour Martinia est aujourd’hui une réalité et vous en êtes en tant que lecteurs les premiers témoins.

Martinia « en ligne »

Martinia est historiquement une revue papier (Fig. 1) qui n’avait qu’une place restreinte sur internet avec une simple rubrique sur l’ancien site internet de la SfO. Le passage aujourd’hui à Martinia exclusivement « en ligne » marque ainsi un important virage dans l’histoire de cette publication. Ce choix d’une revue en ligne relève d’une vision pragmatique avec un nombre toujours plus croissant de publications exclusivement numériques dans le paysage scientifique et médiatique national et international. La perte du papier, de l’objet matériel, va peut-être manquer à un certain nombre d’entre vous. On pourra ainsi regretter en tant que lecteur les émotions induites par l’arrivée de Martinia dans notre boîte aux lettres et en tant qu’auteur le plaisir de trouver imprimé sur papier son travail. Cependant, les contraintes que la version papier impose sont lourdes, tant en termes de temps (bénévole dans l’ensemble) que financières pour les différentes tâches que sont la relecture, l’édition, la mise en page, l’impression, le suivi des abonnés et la distribution. Certaines de ces tâches vont rester en partie sur la planche malgré le passage à un format numérique mais seront réduites ; d’autres vont disparaitre, permettant de dégager du temps pour communiquer et développer Martinia. Une version numérique offre aussi une plus grande flexibilité pour l’équipe éditoriale et les auteurs ainsi qu’une consultation aisée pour les lecteurs quelque soit leur type d’appareil (du smartphone au traditionnel ordinateur de bureau). Cette flexibilité de publication et facilité de consultation sont également permis par le passage en libre accès de la revue et son mode de publication en flux tendu.

Fig. 1 – Quelques exemples des couvertures de Martinia en version papier depuis son premier numéro en 1985.

Libre accès et publication en flux tendu

Martinia est donc maintenant une revue en ligne et en libre accès (aussi connu sous son appellation anglo-saxonne d’open access). Elle est gratuite, tant pour la consultation des articles que pour la publication de ceux-ci (on parle dans le monde de l’édition de la « voie diamant » du libre accès). Dans ce cadre, les auteurs conservent leurs droits d'auteurs, et les publications sont diffusées par défaut en licence de libre diffusion Creative Commons.

Ce modèle gratuit en libre accès présente différents intérêts. Il permet tout d’abord de faciliter le partage de la connaissance scientifique odonatologique française en ne limitant plus la consultation des articles aux seuls abonnés de l’ancienne version papier. Ensuite, la publication pour les auteurs devient plus accessible et permet de confronter un plus grand nombre d’acteurs de l’odonatologie française au processus parfois complexe mais formateur de la publication scientifique (e.g. jeunes naturalistes, techniciens et gestionnaires d’espaces). Ceci devrait permettre à terme de produire une connaissance plus large sur l’odonatologie française (cas d’études locaux, analyses préliminaires issues de stages de formations académique ou professionnelle, etc.).

Le fonctionnement en flux tendu permet aussi de diminuer le temps de publication des articles. En effet, si le temps imparti à la relecture et à la correction des articles ne changera pas, il ne sera par contre plus nécessaire d’attendre d’en avoir assez pour former un volume entier publiable sur papier pour terminer le processus. Dans sa version numérique, Martinia n’aura qu’un seul volume par an avec des publications qui se suivent au « fil de l’eau » dans leur pagination. Cette réactivité sera intéressante tant pour l’auteur, qui verra son article publié plus rapidement, que pour la connaissance et l’actualité odonatologique francophone.

A travers ce format d’édition, c’est ainsi un véritable choix vers une diffusion la plus large possible de la connaissance scientifique que nous avons voulu et que nous défendrons auprès de nos partenaires financeurs. Car qui dit libre accès, dit aussi perte de la ressource induite par les abonnements, alors que la publication numérique garde des coûts parfois comparables à l’impression d’une revue à faible tirage comme l’était Martinia dans sa version papier.

Archives

Jusqu’à récemment, les archives numériques de Martinia n’existaient que pour les parutions les plus récentes (jusqu’à 2010) en accédant à la rubrique dédiée de l’ancien site internet de la SfO. La mise en place du nouveau site internet martinia.insectes.org va permettre à terme de proposer une archive historique complète des articles. Dans un premier temps, l’index des 835 publications de Martinia depuis 1985 jusqu’à 2019 sera disponible avec des fonctionnalités de recherche par auteur, taxonomique ou encore géographique. Ces outils de recherche auront vocations à s’étoffer dans le futur en les combinant à des outils de visualisations graphiques, e.g. via une cartographie des publications. Dans un second temps, les articles qui étaient déjà disponibles en format numérique sur le site de la SfO seront remis en ligne et téléchargeable gratuitement. Cette tâche étant un travail de référencement et de téléversement fastidieux, leur disponibilité ne sera pas complète au moment où vous lirez ces lignes mais s’accroitra rapidement en commençant par les plus récentes (e.g. Martinia Tome 34 Vol. 1-2). Dans un troisième temps, selon les possibilités de financement et de temps bénévole, il est envisagé de numériser et de proposer en archives les anciennes publications de Martinia avant 2010. L’accès à ce corpus jamais numérisé est important à plusieurs égards, tant pour la connaissance naturaliste que pour l’étude historique plus large de l’odonatologie française.

Un projet de renouveau qui a besoin de vous !

Ce projet maintenant concret de renouveau de Martinia est porté par le groupe Opie-odonates issu de la SfO. Pour la petite équipe que forme ce groupe, c’est un projet ambitieux qui vise à maintenir le niveau d’exigence scientifique de l’ancienne version papier tout en offrant son accès au plus grand nombre. Le succès de ce nouveau Martinia ne dépend pas seulement de son équipe éditoriale mais il dépend aussi de vous ! Et vous pouvez soutenir ce projet de multiples façons, en tant que lecteur ou auteur mais aussi en tant que bénévole ou encore membre de son comité de lecture.

Sans auteurs et sans publications, il est évident que ce projet n’est pas viable. Ainsi, n’hésitez pas à soumettre vos contributions, elles sont fortement encouragées et passent aujourd’hui directement par le site internet (martinia.insectes.org) ou par la nouvelle adresse courriel de la rédaction : martinia@insectes.org. Les instructions aux auteurs sont disponibles également sur le site internet et ont d’ailleurs été simplifiées pour l’occasion. La ligne éditoriale, elle, n’a pas changé et Martinia publie tous types de travaux traitant des Odonates, principalement en France métropolitaine et en outre-mer. Trois formats principaux de publications sont possibles : article, brève communication et analyse d’ouvrage. Nous souhaitons d’ailleurs remercier ici les auteurs qui ont accepté d’accompagner cet éditorial et le lancement de Martinia par leurs publications qui proposent un panel d’exemples de ces différents types. Nous espérons qu’ils susciteront l’engouement de nombreux autres et que grâce à leurs contributions Martinia se réinscrira rapidement dans le paysage odonatologique français comme la revue scientifique de référence !

Outre le fait que vous pouvez devenir auteur pour faire vivre Martinia, sa rigueur et son exigence scientifique doivent aussi beaucoup à son comité de lecture et donc potentiellement à vous à travers vos différents niveaux ou domaines d’expertise. Évidemment, un noyau dur de relecteurs existe mais il ne demande qu’à s’agrandir. N’hésitez pas à contacter l’équipe éditoriale pour proposer votre contact et vos champs de compétences critiques pour aider à relire, améliorer et in fine à accélérer la publication des travaux des auteurs !

De ces deux engagements possibles mais assez formels, reste aussi celui d’une aide bénévole pour des tâches essentielles mais généralement de l’ombre comme celles d’aider à la relecture orthographique, la mise en page, le développement du site internet ou encore la mise en ligne des archives. Toutes ces tâches nécessitent certainement du temps mais toujours moindre quand il est partagé. Pour conclure, nous souhaitions remercier par anticipation ici toutes celles et ceux qui proposeront leur aide à l’équipe éditoriale pour le fonctionnement courant de Martinia, artisans et petites mains d’une nouvelle étape de cette aventure odonatologique, éditoriale et scientifique. Nous comptons sur vous !

Remerciements

Je tiens à remercier Philippe Lambret et Samuel Jolivet pour leur relecture. Que Philippe Lambret soit aussi remercié pour sa patience dans le passage du flambeau.